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Future of Gonzo is Misanthropia

21 juin 2009

Je hais la fête de la musique

Le 21 juin, c’est la commémoration de trop entre l’appel du 18 juin et le 4 juillet américain. Le 18, la France retrouvait l’espoir, moi depuis, je le perd en pensant à ce qui vient après.
    Mais bon, essayez de me comprendre, je sais, je peux être d’une mauvaise foi à en chopper une rage de dents, mais là je suis aussi sincèrement acerbe que Saint Jean Chrysostome, et j’ai cosncience d’être dans mon bon droit.
    La fête de la musique n’est pas une fête.  C’est une bacchanale qui ne s’assume pas, et qui sous couvert de redonner à l’art le droit d’envahir les rues, peuple ses trottoires de distributeurs à saucisses et de robinets à bière. La fête de la musique, c’est ce qui arrive quand on essaye d’opérer une traduction fraçaise de la fête de la bière germanique, c’est le peuple le plus déchu d’Europe qui se roule dans la fange de sa propre beaufitude, accompagnant les musiciens médiocres du son des rots retentissants qui garantissent la bonne jouissance de cette nuit infâme.
    Le 21 juin, c’est le jour où, non contente que les musiciens professionnels emploient tous leurs revenus à égorger l’art musical, la cohorte sans fin des amateurs lamentablement égocentriques et incompétents se presse d’installer son arsenal qui lui permettra de se pencher lascivement sur le cadavre musicologique gisant à terre pour le violer une nuit entière, sans que cet acte contre-nature ne vienne à choquer qui que ce soit. Car c’est la nuit où tout est permis, où n’importe quel jeune camé peut empoigner sa guitare folk et descendre scander dans la rue des paroles navrantes sans risquer de reçevoir comme seul salaire les pièces de monnaies lancées par pitié par les passants indisposés. C’est la nuit où le bon goût est aboli, et où il ne fait pas bon avoir les tympans sensibles et éduqués, sous peine de passer pour un rabat-joie, car à notre belle époque l’anticonformisme se pratique à horaires bien définis.
    Alors risquons nous à empoigner notre hotdog, le croquant une fois pour attester de notre authentique adhésion à l’évènement, mais pas plus pour pouvoir nous en servir comme une arme de fortune lorsqu’un étudiant bourré passera à côté de vous, les yeux révulsés, tel le mâle alpha sorti d’une brasserie pour animaux, son troupeau sur ses talons, vous harranguant d’une voix traînante et grossière en s’imaginant que de cette manière il convaincra bien une des femmelles de partager son lit. Et le pire, c’est que vous savez qu’il n’aura pas tort.
    Vous frayant avec peine un chemin dans le flux régulier de la foule, vous appercevrez avec horreur une chanteuse de R’n’B s’époumonnant sur un karaoké de gospel traverti, et vous vous imaginez avec un coupable sentiment de jubilation ce que serait le monde si le poumons se trouvaient sous la taille, compressés dans des jeans taille 36. Imitant intérieurement la dernière chanson de Kenza Farah interprétée en morse, vous vous laissez emporter comme dans une vague par le groupe de touristes allemands qui vous presse pour atteindre la scène Chérie FM.
    Puis, votre nez capturant au passage une plus forte concentration de dérivé de houblon par la gauche, vous bifurquez jusqu’à une place plus isolée où un sombre groupe de death metal tente tant bien que mal d’accorder les trois notes de son répertoire avec la voix caverneuse de son chanteur en pull à capuche. Vous ne savez pas si ce qui vous interpelle le plus est la capacité du guitariste à ne pas prendre ses cheveux bouclés dans son mouvement de bras ultrarapide, où si c’est l’idée que contrairement au crapaud, et malgré tous ses efforts, l’homme ne pourra jamais recracher ses organes vitaux hors de son propre corps.  Néanmoins, l’endroit étant apparement épargné par la faune de gremlins pré-pubères peuplant les fiches de statistiques de M6 et TF1, vous vous dirigez d’un pas détendu vers la tireuse à bière la plus proche pour vous vider deux ou trois gobelets, signifiant par là aux autochtones vos intentions pacifiques et votre adhésions au fondements de leur philosophie.
    Mais très vite les sixtuples croches et les textes antireligieux font que l’ennui commence à prendre ses aises au fond de votre corps par ailleurs sérieusement imbibé, et vous décidez de passer par les quelques ruelles qui vous séparent du prochain point névralgique.
Bizarrement, les décibels se font plus rares, les cris d’alcooliques moins virulents, et vous tombez, au détour d’une paroi de planches croisées couronnée de lierre, sur un groupe de free jazz qui a déroulé ce qui ressemble à une vieux tapis de gymnastique sur le sol pour installer le batteur mononucléique et le saxophoniste au jeu de scène hilarant. Serait-ce une garden party organisée pour les enfants de Santana et Kenny G, ou bien êtes vous vraiment arrivé au paradis ? Les notes suaves sont si bourgeoisement suggestives et lascivement sorties de ces instruments tortueux que vous préféreriez encore que ce soit l’enfer. Et tous ces gens qui forment un cercle attendri et hébété comme si on exposait un bébé venant de dire sa première onomatopée !
    Décidément, la fête de la musique est une cour des miracles qui ne serait acceptable que si ceux qui y participaient ne sortaient qu’une fois par an, mais malheureusement, il y a une chance sur deux pour que le joueur de djembé du prochain groupe d’amateurs de chanvre et de didjéridoo soit également votre voisin dans le bus demain matin.
    J’espère alors que comme moi vous jetterez votre hot dog, que vous balancerez un jeton à caddie attac (Simply pour les puristes) dans l’étui à guitare d’un groupe de chanson française, et que vous filerez au plus vite cuver votre cuite avant que des signes d’empathie mal placés vous assaillent et tentent de vous assimiler au manque de culure bêlant et retentissant dont chacun en ce jour béni souhaite de tout coeur se faire le bouc émissaire.

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21 juin 2009

Milk and Biscuits

J’ai détesté ce voyage. Pas un voyage d’ailleurs, un trajet, car les voyages sont sensés, il me semble, nous dépayser, nous transporter dans un ailleurs qui nous émerveille ou, au pire, nous change tout de même de nos habitudes. Mais ce trajet, moite, étouffant, interminable m’avait tournée et retourné dans tous les sens et m’avais épuisé. J’ai toujours
trouvé par ailleurs que l’immobilité est bien plus exténuante que son contraire, et lorsqu’on la conjuge par dessus le marché avec la présence de phénomènes de foire tels que ceux qui ont croisé ma route, l’indisposition atteint au supplice.
Que le quai de l’arrêt de la gare fut bondé passe encore, j’ai par le passé eu mon lot d’entassements dans des rames aux heures de pointes, et bien que cela ne m’enchante pas de me lancer dans un revival nostalgique, je ne ferait tout de même pas ma mauviette en me plaignant pour si peu. Je profitais des premières «entre-stations», comme je les appelle, pour observer mes compagnons de convoiturage moderne. Une petite femme, plutôt laide, rabougrie, d’un âge indécemment peu élevé compte tenu de son physique, qui, adossée grossièrement aux coussins muraux telle un bovin malade ou prenant le soleil, jettait des oeillades désespérées autour d’elle à travers ses lunettes ovales. Je préférais la fuir du regard, horrifié à l’idée que si elle prenait conscience de mon observation, elle risquait, comme une créature de cauchemard, de me chercher des yeux ou de tenter d’attirer
mon attention de manière ridicule.
Mes yeux se posèrent ensuite sur un homme fort et trapu, vraisemblablement magrhébin,
dont la principale caractéristique était une pilosité hors du commun. Ses bras était recouverts d’une toison qui devait pousser sur l’ensemble de son corps, et qu’on pouvait voir darder, par mèches irrégulières, par le col déboutonné de son polo. Ce qui me poussa à examiner, feignant un air distrait, son style vestimentaire. Il ne faut pas douter que si les goûts en la matière se sont appauvris de génération en génération, la déchéance de la mode atteint des piques de manière cyclique tous les étés, lorsque les jeunes s’affublent des plus hilarants costumes sortis tous droits d’ateliers de stylistes qu’on imagine sans peine lutter pour démêler du regard les rails de coke et les fils de couture blancs, et que les plus âgés ressortent les sempiternels artefacts du mauvais goût, incarnés en la circonstance
par ce short ignoble doublé du polo en coton rouge et blanc de l’homme en question.
Un médaillon en or échappé du col vint parfaire le tableau, me décidant à changer de sujet d’observation.
Nous étions presque à la moitié du trajet, lorsqu’arrivés à la place de l’étoile, la rame s’épura d’une trentaine de personnes, n’en accueillant en retour qu’une petite dizaine
ridicule. Mais cet espace vital, qui me paraissait nouvellement gagné, me fût repris dans le temps exact qu’il faut à un nez pour capter les effluves particulièrement indisposant
transitant à proximité.
Balançant la tête vers la gauche, en prenant évidemment soin de tourner en dernière
instance mes yeux vers le plan du réseau situé au plafond, j’identifiait le problème. Un jeune homme, quelconque, les cheveux blonds rasés si près que peut-être tout compte fait étaient-t-ils bruns, en tenue de sport avec un pull à capuche, et sur l’épaule un sac de sport. Quelle idée de porter un pull en été ! Pourquoi faut-il que les seules personnes qui ne se lavent pas soient en plus celles qui se mettent le plus en situation de transpiration ? Une telle odeur dans un lieu publique peut être caractérisée sans exagérer comme acte incivique,
et je m’étonnait parfois dans ces cas-là qu’une amende n’ait pas été prévue à cet effet. Je me surpris à prier distraitement le ciel de le faire sortir au prochain arrêt, et le fait d’avoir été exaucé m’a fait ressentir, je m’en souviens très nettement, la plus grande félicité. Les deux derniers «entre-stations» me permirent de détailler la dernière personne qui retint mon attention. Une jeune fille, plutôt jolie, dont tout chez elle me rappelait une collègue de ma fiancée : même teint, mêmes yeux sombres, à la fois perçants et opaques,
mystérieux et banals à la fois, les cheveux lisses et la peau inhabituellement lisse, probablement à cause de crèmes diverses appliqués quotidiennement avec soin. Habillée dans des teintes noires et grises, elle renforçait encore cette ressemblance, que seul un visage plus fin et des cils plus allongés venaient rompre timidement. Elle semblait perdue dans cette rame, et son regard balançait de droite à gauche, comme cherchant à se raccrocher
à quelque chose, n’importe quoi pourvu que cela parvenait à la distraire. Rentrant dans un petit jeu qui me paraisait dangereusement attirant, je la fixait jusqu’à ce que je sente son regard se recentrer sur moi -j’étais alors en face d’elle- et je tournait mon attention vers un côté ou l’autre pour lui laisser le loisir de m’observer, peut-être même, espérais-je, de se demander si je l’avais bien regardé. Puis, me recentrant d’un air machinal,
mais en fait terriblement calculé, je cherchais un sujet d’observation plausible qui me permettrait d’avoir son visage dans mon champ de vision. L’ayant trouvé dans la personne d’un gros et vieux monsieur arabe portant une vieille casquette à la française, je jubilait de voir qu’elle détaillait du regard mon t-shirt à motifs blancs. Sans me trahir d’un seul début de sourire en coin, je continuait ce petit jeu jusqu’à ma destination.
Sortant du tramway, je me pris un instant à désirer la voir sortir à ma suite, et engager pour une raison futile la conversation avec moi. Bien sûr, ces arrières pensées n’avaient rien d’un désir amoureux, ni même d’une attirance sexuelle, tout au plus, si cela touchait à la séduction, était-ce parce que j’avais imaginé, en voyant son regard perçant, qu’elle devait être assez intelligente pour mériter qu’on la connût mieux. Mais jettant des coups d’oeil sans espoir, «à tout hasard» dans mon dos, je voyais s’éloigner cette amitié potentielle à 50km/h.
Parcourir la rue pavée, sortir mon trousseau de clés et escalader les escaliers font partie de ces choses qu’on répète tant de fois en une année qu’on en vient à les exécuter sans même en avoir conscience, et peut-être que si, arrivé en haut des escaliers, on se retrouvait à nouveau au début de la rue pavée, on s’engagerait comme une première fois à nouveau sur cette voie sans que cela nous pose un quelconque problème. De telles considérations
me rappellent toujours un enseignement bouddhique que j’avais écouté durant mon adolescence, qui exhortait, afin de méditer sur l’être et la conscience de soi, de rechercher
à penser ces actes insignifiant en parfaite concomittance aver leur réalisation en actes.
L’universalité de ce manque de conscience dans les gestes quotidiens doit faire les choux gras de tous les adeptes de la méditation transcendantale et autres prêcheurs du Soi à tout prix, mais sans doute est-ce une autre question qui nous éloigne de ce que je pensait
réellement à ce moment là.
Après les habituelles salutations, informations données et reçues sur les évènements de la vie de chacun, me vient une idée qui en soi vaut sans doute toutes les méditations du monde. Posant les affaires dont je suis bien aise de me séparer, je file me laver les mains, et, après m’être assuré que personne d’utilisait la terrasse, je file à la cuisine. J’ouvre le placard en bois clair caché derrière la porte, et je fouille du regard son contenu. Un sentiment
de frustration commence à germer à l’intérieur de mon abdomen, mais il est réprimé illico par une vision rassurante. Là, derrière deux paquets de biscottes, était dissimulé le précieux paquet de gâteaux. Je le sors avec empressement, et vide dans ma main les cinq premiers gâteaux qui en sortent. Cela pourrait paraître ridicule à d’autres de nourrir une telle envie pour des biscuits aussi banals en apparence, car ils sont tout sauf luxueux. Ce sont des biscuits ronds aux bords crénelés, fourrés au chocolat, tels qu’on en vend dans tous les supermarchés et stations-services occidentaux depuis les années quatre-vingt dix. Mais pour moi, ces biscuits sont les meilleurs du monde. Cherchant frénétiquement un bol dans le meuble, je m’échauffe en me trompant de tiroir, car le meuble est nouveau et a chamboulé tout le schéma mental que j’avais agencé dans mon esprit depuis dix ans. Puis, mes victuailles à la main, à la vitesse d’un petit chaperon rouge supersonique, je traverse le salon et m’installe à la table en bois de la terasse.
Cette table a quelque chose de reposant. Ce n’est pas une table ronde, et c’est tant mieux, car j’ai les tables rondes en horreur, à partir du moment où elles sont destinées
à autre chose qu’à un concile de chevaliers en armures. Elle est rectangulaire, rectangulaire de manière imposante, mais sans être d’une longueur excessive qui l’aurait rendu prétentieuse. Son bois sombre me faisait éviter le cliché du petit déjeuner nutella, et l’horreur de repenser à moi, dix ans, arborant une coupe au bol parfaite taillée dans des beaux cheveux blonds.
Les chaises en cannelage assorties étaient tout aussi amicales et rassurantes, et, en soi, valaient mieux que des personnes, car ces deux qualités mentionnées finalement, j’aimais autant les retrouver dans une chaise que dans un être humain pour l’instant. Prenant quelques instants le luxe suprême d’embrasser du regard mon bol de lait et mes gâteaux, j’attrappait d’un geste sûr le premier biscuit du bout des doigts, et je l’envoyait tremper dans le lait.
En fait, «envoyer tremper» est une bien vilaine expression, qui ne parvient pas à rendre compte de ce que ce geste avait de merveilleux. En aggripant ce gâteau, j’engagait moi-même ma personne dans une promesse de plaisir gustatif imminent, et lorsque le bisuit
plongeait dans le liquide, je pouvais presque en sentir la froideur, comme si mon corps s’étendait au gâteau par le simple fait de l’appétit. Il se passait alors une chose extrêmement
agréable, d’une insignifiance presque sacrée. Le lait, absorbé par le gâteau ramolli, en augmentait le poids, comme si les deux avaient fusionné. Car pour être honnête, même si j’aime énormément le lait et les gâteaux de manière séparée -n’est-ce pas nécessaire pour se retrouver dans l’état que je décris ?- c’est par dessus tout la conjugaison des deux saveurs qui obtient ma sans réserve et totale adhésion.
Ce moment est pour moi, à chaque fois, une véritable jubilation, et j’imaginais alors que les plus grand alchimistes étaient seuls à pouvoir partager avec moi cette joie qu’ils avaient sans doute goûté en leur temps, à l’heure du goûter lorsque, après avoir râté à nouveau leur transmutation ferrugineuse en or massif, ils se consolaient comme des enfants en se tournant vers cette simple joie de l’alliance parfaite. Quoique je pense par ailleurs que tous les alchimistes doivent probablement pourrir en enfer, car il n’y a pas grand chose de pire qu’un alchimiste sur terre. De toute façon, je me sentais seul, et c’est cela qui était si bon, de savoir que pour moins de trois euros j’atteigait le même degré de conscience que les moines bouddhistes, qui eux devraient en plus, une fois leurs exercices spirituels terminés, se trainer jusqu’au réfectoire du la lamaserie pour grignoter du pain dur et des noyaux d’olive en mobilisant toute leur volonté pour ne pas y prendre plaisir, ce qui ne devait pas être très dur.
D’ailleurs, y a-t-il des réfectoires dans les lamaserie ? J’avais lu quelque part l’histoire
d’un sage bouddhiste qui arrivait à se nourrir de sa propre nourriture spirituelle, et qui ne mangeait jamais, mais allez savoir dans quel livre je l’ai lu ...
C’est à ce moment que je fus tiré de ma rêverie par une voix qui m’appelait. Peu importe, j’avais réussi à manger mes cinq gâteaux.

19 décembre 2008

Fear & Loathing ...and after ?

fear_loathing_after

Ce qui est frappant, à chaque lecture de Fear and Loathing in Las Vegas/Las Vegas Parano, ou à chaque visionnage du film de Terry Giliam, c’est de voir à quel point cette fameuse année 1971, ainsi que toute l’époque que cela englobe, la reflux du mouvement hippie, le marasme du Viet Nam, les abus de la constitution inaugurés par le Watergate semble un espace-temps totalement désirable.
    Malgré toutes les désillusions aux arrières goûts de Bad Trip ou de déceptions idéalistes, malgré la fin du rêve utopique woodstockien et la réintégration brutale de ses protagonistes dans une société américaine bien décidée à resserrer les vis, ce moment charnière de l’histoire moderne a des allures d’Eden pour quiconque ne se reconnaît pas dans la grande mascarade post-moderne.
    C’était une époque où l’on osait se toucher. Il est incroyable de constater que les ersatz d’êtres humains que nous sommes devenus passent la quasi totalité de leur existence dans l’évitement du contact. Ne parlons pas ici des beuveries et autres actes de luxure pitoyables auxquels se livrent des jeunes lobotomisés par leur propre incapacité à vouloir plus que ce qu’ils sont, car il est évident qu’hormis ces débordements puérils, les entités humaines adultes, matures et responsables ne veulent plus être touchées par quoi ou qui que ce soit. Attitude platonicienne de bas étage ? Notre époque est-elle celle du règne de l’esprit sur le corps ?
Non, notre époque est celle de la négation du corps, de la négation de l’esprit, où l’on ose ni se toucher ni réfléchir, préférant ne répondre qu’aux influx de la nécessité ou de la libido, attendant d’être poussés dans nos derniers retranchements.

    C’était une époque où l’on osait penser. Où l’on savait dénoncer, même à sa manière, les injustices et les incohérences qui nous paraissent bénignes en compraison de stade avancé de maladie de notre société. Et pour éviter toute confusion, envisageons la notion de société comme un système totalement humain, dans lequel nous sommes les premiers à avoir une responsabilité. Ne parlons pas de cette société Fritzlangienne que nos tournures de phrases hypocrites font passer pour une machine implacable qui nous écrase sous le poids de son inarrêtable détermination. La société c’est nous, et ses dysfonctionnements ne sont que le reflet à peine exagéré ou globalisé de nos propres incompétences. A son époque, Thompson, bien que grand guignolesque et véritable buvard à substances illicites, dans ses fulgurances géniales, dénoncait avec lucidité les vices des rouages, avec toute l’humanité qui leur est dûe.

    Que serait devenu le grand manitou du grand journalisme à notre sinistre époque ? Son récent suicide parle de lui même, l’époque n’est plus à la sauvegarde des libertés communes, mais à la préservation égoïste de la sienne propre, la sauvegarde des valeurs a pris des allures de fouilles archéologiques sans grandes chances de succès ...
L’avenir du Gonzo, j’en suis convaincu, est dans la misanthropie, pas envers l’être humain tel qu’il a toujours été, mais envers ce qu’il est devenu. Je me refuse de croire en l’homme d’aujourd’hui parce que nous sommes indignes de ce que nous avons un jour été. Et comme je suis au moins aussi mégalomaniaque que ce bon vieux Hunter, je vais changer tout cela, et regagner au moins ma dignité, si c’est la seule que je peux sauver.

16 décembre 2008

Kill Your Illusion I : L' Epoque

bandeau_kill_your_illusionIl y a dans la vie des choses qui échappent à tout pronostic, qui nous tombent sur le coin de la figure sans crier gare, de préférence la veille de noël. On pense bien sûr aux découverts bancaires, aux arnaques, aux touristes allemends, et aussi aux reformations impromptues de septuagénaires remontés au viagra ou à la vénalité faisant office de pacemaker, qui brandissent leurs guitares comme les étendards d’un retour aux sources exhalant le plus souvent les effluves de Sting faisandé afin de nous pondre en guise d’oeufs d’or des coffrets anthologiquement discutables, fausses productions testamentaires fleurant plus souvent la naissance d’une franchise, ou sa digne continuation (on citera particulièrement la bande de vieillards jammant sur des numéros vintage de Hustler en faisant tourner la sempiternelle rythmique qui a vu Malcolm Young se faire introniser «grand orfèvre du riff» par une presse musicale spécialisée tout aussi obsédée que les croulants débonnaires en question).
Et puis il y a des choses qui elles sont encore plus certaines qu’un calendrier maya, plus inévitables que la médiocrité, et qui souvent se heurtent à elle pour nous faire prendre conscience de manque de discernement abyssal dont notre époque a fait de 99% de la race humaine les heureux dépositaires.

Il y a Chinese Democracy, la victime. Victime d’une époque qui formule avant de penser le propos, victime d’un conditionnement sonore travesti en parodie de culture branlante, qui nous ferait passer Mika pour un artiste et James Blunt pour un auteur, ou irait les immoler bruyemment sur un blog trendy au nom d’une éthique tirée d’un article de Philippe Manoeuvre.

Il y a Chinese Democracy, qu’on aimerait enmener au bûcher avant même de savoir faire du feu, qu’on aimerait mauvais pour prouver qu’on avait raison, d’avancer lors de discussion passionnées entre mélomanes trentenaires, que 15 ans de production ne pouvaient aboutir qu’à une sombre merde. Au mieux, ce serait un recueil de November Rain-like, que l’on exècre au nom du bon goût tout en s’envoyant dans la foulée le dernier album de Coldplay, ne confondant pas purisme et ouverture d’esprit.

Il y a Chinese Democracy, victime de l’attaque d’un escadron de diatribes amputées de leur syntaxe, orchestrée par un esprit français qui achève ici de tracer les traits de son ultime caricature, plaidant la mise aux arrêts d’un Axl Rose dernier passeur officiel d’un rock n’ayant pas troqué sa testostérone pour une androgynie plus tendance. Soyons honnêtes, que nous reste-t-il ? Même ce vieux soiffard rouillé de Lemmy Kilmister ne peut faire face à la déferlante de Franz Ferdinand et autres Babyshambles, dans lesquels les fanatiques de genre féminin peuvent enfin se projeter autrement qu’en groupies putassières, et dont les frasques en costume trois pièces et les gueules de minets sensuels et sensibles nous interdisent l’usage de l’épitaphe «le rock est mort», car il est juste en train de se faire violer. Axl Rose, le messie du rock, ne peut qu’être mené à la croix, son machisme latent et sa mégalomanie colossale ne correspondant pas aux canons user-friendly d’un rock’n’roll devenu speed dating musical.

Il y a Chinese Democracy, meilleur album rock de l’année, qui assume jusqu’à l’échafaud son statut de mythe, qui supporte les crachats en les tenant pour preuve que l’ultime sommet du rock vient d’être atteint, en refusant au public l’album qu’il aurait tant voulu.

Il y a Chinese Democracy, débauche de production, débauche de virtuosité, affirmant envers et contre tous les dons d’Axl Rose en matière de composition et d’orchestration. Un concentré d’agressivité qui semble avoir passé les quinze dernières années à ronger son frein, luttant pour retenir cet assaut sonore qu’un mois d’écoute ne saurait dompter, encore moins apprivoiser.

Il y a Chinese Democracy, qui refuse d’être accessible, qui refuse de se trouver des circonstances atténuantes, qui bannnit la moindre trace de demi-mesure, provoquant l’irre de ceux qui pensaient lui tenir la bride dès la première insersion dans le lecteur, belle illusion forgée par 10 ans d’abonnement à Rock’n’Folk et par une collection de disques ressemblant à une sélection Fnac concoctée par un croisement manqué de Bernard-Henri Levy et d’un obscur membre du jury de la nouvelle star.

Il y a Chinese Democracy, défouloir pour déficients intellectuels, plaisanterie pour inrockuptibles célibataires baveux et pré-séniles, cas d’école pour les passionnés d’étude de frais de production dénués de sensibilité musicale à la 100% Mag, topic aux allures de pied de sapin en or massif pour rock critics fantasmés mais vrais bloggers garants d’une hype pour laquelle on se prend à ressentir des appréhensions, et, en fin de compte, le seul disque soucieux que les légendes perdurent jusqu’au bout, jusqu’à ce que le mot mythe ait pris sa pleine signification.

16 décembre 2008

Kill Your Illusion II : Le Chef d'Oeuvre

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Il y a Chinese Democracy, le disque. Un single éponyme où le hard gunnique originel flirte sans complexes avec le métal US le plus plombé, où les envolées virtuoses de guitare dopées au tapping de Ron Thal et du poulet géant Buckethead tentent de faire concurrence aux couches innombrables de chants graves suavement pervers et de cris stridents proférés par un Axl s’intronisant lui-même meilleur vocaliste rock, un acte d’une telle violence égocentrique que Napoléon passerait à côté pour l’incarnation de l’humilité la plus sincère.

Schackler’s revenge,  un titre évident de bout en bout, à tel point que les oreilles de toute personne cultivée n’envoient plus au cerveau déjà ébranlé que des influx nerveux en forme de «comment a-t-on pu s’en passer avant ?»

Better, deuxième single dévoilé avant la sortie du monstre, est du même acabit, sentant à tel point la sueur de post-production et d’arrangement obsessionnels qu’il ne faut être qu’un imbécile doublé d’un narcissique au stade terminal pour pouvoir oser émettre la moindre réserve quand à ce titre monumental.

Dernier assaut violent avant la baisse de régime nécessaire, Street of Dreams est une perle, version imparable d’un November Rain ayant passé le cap des années quatre-vingt, dont chaque note semble être le mur porteur d’un édifice dont les frais d’investissement humain nous dépassent en nous secouant au passage d’émotions acidulées et crues que l’on ne retrouve malheureusement plus aujourd’hui que dans les productions electro/hype sans aucune poésie, sans textes, à la naïveté outrageusement mononucléique.

Le reste de l’album suit son cours, prolongeant par à-coups cette ambiance rock’n’roll orgiaque d’un nouveau millénaire qui ne saurait être le nôtre, avec des pics de testostérone bienvenus, tels Catcher In The Rye ou encore I.R.S ...

Au final, un disque qui fait mal, qui nous rappelle que la douleur peut être salvatrice lorsqu’elle fait s’écrouler sur nous d’un coup la cathédrale de la honte musicale des dix dernières années, où tous les albums pompeux hasardeusement qualifiés de chefs d’oeuvres par un consensus de faux spécialistes dissimulant  leur manque d’affirmation personnelle derrière des arguments ressemblants à des drag-queen musicologiques, s’acharnent à nous enfoncer leurs arètes saillantes dans les oreilles pour punir nos tympans indignes.

La débauche de superlatifs et d’affirmations suffisantes concentrées ici vaut bien l’acharnement de la ligue de crétins sourds mais malheureusement pas muets manifesté à l’encontre de ce mythe d’ores et déjà maudit sur les blogs et les torchons les plus honteux de notre époque.

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